Notre plus beau combat

20 août 2023 4 Comments

Nous sommes le 1er Juin 2022 à l’heure où je débute l’écriture de cet article, je ne sais pas s’il sera publié un jour et, s’il l’est, encore moins quand, mais si vous lisez ces quelques lignes c’est qu’il y a une happy end au bout, je m’en fais la promesse. Au pire je le garderai pour moi le temps nécessaire, dans mes brouillons, pour me souvenir, au mieux je vous raconterai le cheminement ayant abouti à l’une des plus jolies nouvelles que je puisse partager avec vous.Il est de ces aventures que l’on garde secrètes jusqu’à ce qu’elles se concrétisent, parfois par superstition, souvent pour s’éviter une pression supplémentaire sur les épaules, mais surtout par pudeur tant elles sont intimes et personnelles. Dans mon cas, notre cas, puisque cette nouvelle aventure qu’est celle de devenir parents, nous concerne forcément tous les deux, il y a un peu de tout cela réuni.

Je me revois encore adolescente scander à qui voulait bien l’entendre que je ne voudrais jamais d’enfants, puisqu’en tant que grande douillette qui se respecte, l’accouchement me semblait terriblement douloureux, ce qui me terrorisait littéralement. Alors très peu pour moi, qui plus est phobique des aiguilles, à l’époque j’en étais sûre je ne serais jamais maman, comme vous vous en doutez, en vieillissant, l’histoire a pris une toute autre tournure. Malgré cela j’ai toujours su que mon épanouissement ne passerait jamais totalement par le fait d’avoir un enfant, c’est le cas de certaines femmes, le goal/rôle de leur vie, ce que je respecte totalement, mais pas le mien. Qu’ils soient professionnels ou personnels, je souhaitais être épanouie dans tous les domaines avant de franchir cette étape, être heureux et former une famille à deux, puis trois avec Georges, pour envisager de l’agrandir. Dans ma vision des choses, avoir un bébé était alors la cerise sur le gâteau d’une vie que me plaisait déjà comme elle était.

Josselin est entré dans ma vie en Février 2016 et, depuis le début, c’était clair entre nous, nous souhaitions fonder notre famille dans le futur, pour cela il était nécessaire d’attendre que son doctorat, puis son année à l’étranger, soient terminés afin que nous puissions nous installer ensemble. C’est en Janvier 2019 qu’il est parti travailler aux Etats-Unis, nous avions comme projet de lancer les essais dès son retour courant 2020. J’ai donc arrêté de prendre la pilule fin 2019 afin de voir si mes cycles reviendraient de façon régulière, sans trop y croire vu mes règles complètement anarchiques, dues à mon obésité, lorsque je ne la prenais pas. Et puis surprise, dès Février 2020, ma perte de poids entamée quelques mois plus tôt aidant, mes règles sont réapparues de façon régulière. J’ai alors naïvement cru que tout irait très vite, Josselin est définitivement rentré en Avril 2020, puis nous avons investi dans des tests d’ovulation et commencé à planifier tout cela. Les mois sont passés et, aucun signe de grossesse à l’horizon, qu’importe, l’été 2020 était là et nous avions en tête l’adoption et l’éducation de Georges, notre boule de poils, et les allers et retours à Bordeaux où Josselin venait de trouver du travail. Ce changement de ville n’étant pas vraiment prévu, nous avons vécu les premiers mois à distance, je voulais me laisser le temps de découvrir Bordeaux et être sûre de m’y plaire avant d’y embarquer ma vie entière.

Début 2021 je décide de le rejoindre, nous avons alors entamé nos recherches de maisons, pour y emménager en Mars. Après 5 ans de relation à distance, tout était enfin aligné pour mettre en route un bébé, là encore on s’est laissés le temps sans trop se mettre la pression, tout du moins au début, mais ça n’a pas fonctionné. Voyant le temps avancer, mon âge aussi, et ce même échec chaque mois qui commençait tout doucement à me peiner, je me suis résolue à prendre rendez-vous auprès d’une gynécologue afin d’évoquer tout cela et voir ce que l’on pouvait mettre en place. C’est fébrile et angoissée que je m’y suis rendue en Mai 2022, j’avais peur de ce que l’on allait m’annoncer même si je m’y étais préparée psychologiquement et j’avais bien fait. Ce jour-là, après avoir brièvement raconté notre parcours, les trois lettres que je redoutais ont immédiatement été prononcées : P M A. Je suis ressortie, perdue, avec de nombreuses ordonnances d’examens, utiles à un premier rendez-vous en centre de PMA, à réaliser. Durant quelques jours de nombreuses interrogations ont fusé dans ma tête, pourquoi tant de couples n’avaient pas à passer par là alors que c’était notre cas, pourquoi les annonces de grossesse se multipliaient pile à ce moment-là sur les réseaux sociaux, et si malgré tout ça ne fonctionnait jamais comment on s’en remettrait, tout autant de questions sans réponses. La vie est ainsi faite et, pour nous, il allait falloir forcer le destin pour, peut-être, ouvrir l’un des plus jolis chapitres de notre vie, ce que nous avons fait une fois ce sentiment d’injustice digéré. Avant de fixer ce premier rendez-vous, nous avons préféré prendre notre temps, et programmer petit à petit nos examens à tous les deux en continuant d’espérer secrètement qu’un miracle se produise.

La totalité des examens a été réalisée durant l’été qui a suivi et, « bonne » nouvelle, l’un d’eux avait permis d’identifier de façon concrète la cause de notre infertilité. J’ai préféré prendre cela comme une chance, de nombreux couples restent dans le flou, allant d’examens en échecs sur fond d’infertilité inexpliquée, ce n’était pas notre cas. J’avais eu tout le temps nécessaire pour me documenter les semaines précédents le rendez-vous et je savais pertinemment quel protocole le médecin allait nous proposer. J’avais conscience qu’il allait falloir que je m’arme de courage, que j’allais devoir me faire violence face aux nombreuses aiguilles qui me transperceraient bientôt la peau, face à ma pudeur devant mon intimité déballée à de multiples inconnus, face à ma peur du milieu hospitalier, face aux montagnes russes des émotions, mais, soudés, nous étions prêts à entamer le combat pour donner la vie.

Ici à Bordeaux nous avons la chance d’avoir deux centres de PMA, l’un public, le second privé, suite à une mauvaise expérience aux urgences de l’hôpital, nous avons opté pour nous faire suivre en clinique, le suivi y est plus onéreux, mais les retours excellents. C’est en Décembre 2022 que nous nous sommes y rendus pour la première fois afin de rencontrer notre gynécologue et entamer cette grande et longue aventure. Par précaution elle nous a de nouveau prescrit les mêmes examens, et même d’autres en plus, moi qui pensais avoir gagné du temps, c’était raté. Nous les avons tous réalisés courant Janvier et nous l’avons revue pour faire un bilan et connaître la suite du parcours fin février. Au vu de nos résultats, et comme nous nous en doutions, une grossesse naturelle était presque impossible, une insémination artificielle n’aurait pas été suffisante, nous remplissions toutes les cases pour réaliser une FIV ICSI.

Pour cette technique se déroulant en laboratoire, et visant à créer un embryon, un biologiste va venir injecter un spermatozoïde dans un ovocyte, cela nécessite en amont une stimulation ovarienne, d’une dizaine de jours à base de piqures à faire à la maison, suivie d’une ponction au bloc opératoire pour la femme et d’un recueil de spermatozoïdes le jour de la ponction pour l’homme. Avant de revoir notre gynécologue un mois plus tard, afin de prendre connaissance de mon protocole détaillé, nous avons du prendre rendez-vous en couple avec un psychologue (dans notre centre c’est obligatoire), réunir les documents administratifs nécessaires à la demande d’une FIV ICSI et visionner une vidéo d’informations à ce sujet. C’est donc fin Mars 2023 que nous avons obtenu, suite à un troisième rendez-vous, les ordonnances pour entamer la stimulation ovarienne mi-avril et envisager une ponction début mai.

Jusque là j’avais tenu bon mais à l’approche du rendez-vous décisif de Mars la peur, l’angoisse et les questions par milliers ont eu raison de moi, cette perspective de la FIV a fini par réveiller mon anxiété généralisée endormie depuis 7 ans. Il fallait que je rebondisse rapidement, avec ce qui m’attendait je n’avais pas le choix, je devais être forte. Terrorisée et en colère de revivre cela, j’ai immédiatement repris contact avec ma psychologue de l’époque, selon elle j’étais toujours capable et ces 7 années d’effort n’avaient pas été effacées en quelques crises d’angoisse, c’était ce que j’avais besoin d’entendre, je devais rebondir et vite. Ce que j’ai fait, psychologiquement ça a été une bataille contre moi-même durant quelques semaines pour retrouver une once de paix intérieure et me sentir prête mais, soutenue par mon entourage, j’y suis parvenue.

Nous étions mi-avril, il ne me restait que la consultation avec l’anesthésiste et mes traitements pouvaient débuter par voie orale jusqu’au premier jour de mon cycle qui avait finalement mis un peu plus de temps que prévu à débuter, décalant la ponction d’une semaine sur le planning initial. C’est au cinquième jour de mes règles qu’a eu lieu mon premier contrôle échographique, en l’absence de kyste, la gynécologue me donna le feu vert pour commencer les injections le soir même. Les jours qui ont suivi ont été rythmés par des contrôles (échographie & prise de sang) toutes les 48 heures afin de voir si tout cela évoluait comme prévu. Moi qui avais encore la phobie des aiguilles il n’y a pas si longtemps de ça, j’allais devoir me piquer pendant dix jours, chaque soir nous avions ce même rituel de 21H30 (il faut les effectuer à une heure précise) Josselin préparait tout afin que je n’ai plus qu’à piquer, il m’avait bien proposé de le faire mais, si je devais avoir mal, je « préférais » que ce soit à mon initiative. Et honnêtement, à part pour les 5 injections destinées à bloquer mon ovulation, ça n’a pas été douloureux, même les prises de sang ne m’effrayaient plus. C’est déterminée et prête à en découdre que je me suis rendue à la clinique un mardi matin de Mai accompagnée de Josselin, j’y ai très vite été prise en charge et tout s’est enchainé, pas le temps de trop cogiter et d’angoisser, c’était parfait. Pour une ponction ovarienne, il y a le choix entre une sédation légère durant laquelle la patiente reste semi consciente mais se risque à ressentir quelques gênes/douleurs, ou bien une anesthésie générale. Anxieuse comme je suis, j’ai opté pour la seconde option et je ne regrette absolument pas, j’ai été endormie une heure à peine, je me suis réveillée sereine et soulagée, pour rapidement retrouver ma chambre jusqu’à l’heure de sortie, possible uniquement après le passage de la gynécologue. Cette dernière vient vous remettre le papier pour effectuer, si possible bien évidemment, un transfert frais 5 jours plus tard et vous annonce en même temps, le plus important, le nombre d’ovocytes ponctionnés.

Dans mon cas ce fut la douche froide, le nombre n’était que de deux, ma stimulation s’étant parfaitement déroulée, à aucun moment je n’avais imaginé un résultat si décevant, l’incompréhension était totale. Sachant qu’il y a presque toujours des pertes en laboratoire les jours suivants la ponction, je me préparais mentalement, avec tristesse et colère, à l’échec de cette FIV1 et l’appel du biologiste le lendemain matin vint confirmer ce sentiment. Mes ovocytes prélevés étant, selon lui, atypiques, donc pas de la meilleure qualité, il n’y avait aucun signe de fécondation, il était pessimiste mais souhaitait pousser jusqu’au lendemain. Ce matin-là j’ai perdu tout espoir, comme c’était initialement prévu je suis quand même partie manger avec une amie pour me changer les idées, imaginant déjà ma FIV1 Bis, sans doute durant l’été suivant, conquérante en apparence mais anéantie au fond de moi. Cette nuit-là fut courte, le sommeil impossible à trouver, au petit matin j’attendais l’appel venant me confirmer que tout était terminé. Et, comme je m’y attendais, mon téléphone sonna aux alentours de 9h, mais cette fois mon intuition était mauvaise, j’étais à mille lieux de ce que l’on allait m’annoncer, un miracle s’était produit, la fécondation avait finalement eu lieu et deux embryons s’étaient créés. Rien n’était gagné puisqu’il fallait encore qu’ils se développent pendant 4 jours pour atteindre le stade de blastocyste, afin qu’il soit possible d’effectuer un transfert puis, dans le meilleur des scénarios, de congeler le second (ici, seuls les embryons J5 sont transférés, ce qui n’est pas le cas dans tous les centres où les transferts ont parfois lieu depuis J2). Après cet appel l’espoir était mince mais de nouveau là, nous nous sommes pris dans les bras, je me suis effondrée et, même si la prudence était de mise, j’ai appelé ma maman et ma soeur pour leur annoncer cette incroyable rebondissement. Nous sommes restés en apnée les jours d’après, mon téléphone restait chaque matin collé à moi au cas où je reçoive un appel, mais rien. En cas de transfert frais, nous étions convoqués le dimanche de la même semaine au centre, stressée et persuadée jusqu’à la dernière minute que l’on avait oublié de nous appeler, nous nous y sommes rendus. Josselin était optimiste pour deux et il avait raison puisque la magie avait continué d’opérer, nous avions deux parfaits J5, c’était inespéré, la chance nous souriait enfin et le transfert de l’un d’eux pouvait avoir lieu.

C’est plein d’espoir mais prudents que nous avons patienté durant les 10 longues journées nous séparant de la prise de sang visant à déterminer si l’embryon s’était accroché ou pas. Un jour j’y croyais, j’étais contente d’avoir quelques symptômes/douleurs, le lendemain plus rien ce qui me rendait défaitiste au possible. La PMA est un enchainement de montagnes russes, je la trouve bien plus cruelle à vivre mentalement qu’elle n’est douloureuse physiquement, les différentes phases d’attente mettent les nerfs à rude épreuve. La prise de sang devait avoir lieu le lendemain de l’anniversaire de ma soeur, est-ce que cela nous porterait chance ?! Je l’espérais sans m’autoriser à me projeter de façon positive pour me protéger d’un possible résultat négatif. Depuis la ponction j’enchainais les insomnies, il m’était impossible de mettre mon cerveau sur OFF, la nuit précédent la prise de sang décisive n’a bien évidemment pas fait exception, je m’étais promis de ne pas faire de test de grossesse avant. Je me suis rendue au laboratoire du centre en fin de matinée, j’ai fait ma prise de sang puis rejoint Josselin, comme nous avions convenu, pour déjeuner ensemble. Cet après-midi là fut très long, je n’arrivais pas à me concentrer sur mon travail, j’actualisais régulièrement le site du laboratoire alors que je savais pertinemment que dès que les résultats seraient disponibles je recevrais un sms. Ce message tant attendu est arrivé un peu avant 16h, je l’ai ouvert avec le coeur qui tapait fort dans ma poitrine, j’ai eu la merveilleuse surprise de découvrir que notre petit miracle s’était accroché, j’étais enceinte.

Merci la vie de nous avoir si vite donné la plus belle des récompenses, j’ai conscience de notre chance malgré cette épreuve, et j’ai une immense pensée pour tous ces couples qui subissent la PMA, et tout ce qu’elle engendre pendant des années, parfois même sans happy end au bout. À toutes mes soeurs de combat, je sais comme mon annonce peut, malgré elle, réveiller des sentiments douloureux enfouis en vous. J’ai été à votre place, j’ai souvent pleuré en me demandant si mon tour viendrait un jour, la colère l’a parfois emportée face à cette injustice de la nature, alors je pense si fort à vous aujourd’hui et je vous souhaite de tout coeur que cela fonctionne.

À mon amoureux, qui, contrairement à moi, est toujours resté positif dès le premier jour de notre parcours, qui m’a relevée lorsque je n’y croyais pas, qui a supporté mes sautes d’humeur dus aux hormones (et les supporte encore aha), je suis si fière de nous, une fois encore on a vécu tout cela main dans la main, seuls, loin de nos familles, soudés à chaque étape. Pour nos sept ans, je nous faisais la promesse que cette septième année serait la plus belle de toutes, sans m’imaginer que notre plus beau cadeau arriverait pour nos huit ans. Nous allons être quatre à la maison, notre Georges, notre meilleur soutien durant cette bataille, va devenir grand frère, je l’imagine déjà aussi protecteur qu’il ne l’est avec nous, et nous allons être parents, tu seras merveilleux dans ce nouveau rôle de papa, j’en suis sûre et certaine.

Nous sommes le 1er Juin 2023 à l’heure où je termine l’écriture de cet article, je réalise que nous sommes un an pile après l’avoir débuté, je sais désormais qu’il sera publié d’ici quelques semaines et je trépigne déjà d’impatience à l’idée de vous annoncer la plus jolie des nouvelles qu’il m’ait été donnée de partager avec vous.

4 Comments

  • nissahbeauty 26 août 2023 at 9 h 22 min

    Félicitation encore à vous deux!! 🤍

    • Julie 4 septembre 2023 at 18 h 21 min

      Merci beaucoup Nissah ♥

  • Céline 3 septembre 2023 at 8 h 09 min

    Woaw, que d’émotions… J’en ai les larmes aux yeux!!
    Je ne suis pas encore maman, je le serais peut-être un jour mais ce n’est pas vraiment le sujet du moment pour moi et il est vrai que je n’ai jamais réellement pensé à ce parcours par lequel certaines familles doivent passer. C’est très émouvant et en même temps très instructif pour moi.
    Merci beaucoup d’avoir partagé cela avec nous.
    Je te souhaite évidemment le meilleur pour la suite!!!

    • Julie 4 septembre 2023 at 18 h 22 min

      Merci beaucoup Céline, je te souhaite le meilleur également 🙂

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